Réveiller la liberté d’être et déployer nos ailes

Un jour, il n’y a pas très longtemps, je corrigeais avec des consœurs et confrères, des copies d’étudiants d’une université réputée. Le thème dont les étudiants devaient parler : les soft skills, plus particulièrement l’estime de soi, la confiance en soi, les relations aux autres…

Certains étudiants s’étaient pliés à l’exercice avec plus de distance, sans véritablement se livrer, en gardant un ton conformiste. Mais la majorité s’était dévoilée. Et, copie après copie, ils soulevaient devant nous le voile de leurs états d’âme et de leurs états d’être. C’est en cela que cette séance de correction, que nous avions cru au départ être une simple formalité, est devenue pour nous une leçon de vie et un éclairage sur ce qui d’habitude n’est pas vu et n’est pas dit.

Ces étudiants et étudiantes voulaient-ils et voulaient-elles devenir demain des gestionnaires et financiers, salariés dans une entreprise ? Pour la grande majorité d’entre eux, non. Ils auraient aimé faire un tout autre métier, une toute autre activité, s’adonner à leur passion, qu’elle relève du sport, de l’art, de la musique, de la danse, de la cuisine ou encore du voyage et de la rencontre avec d’autres, ailleurs dans le monde.

Mais ils n’avaient pas fait ce choix de la passion, écrivaient-ils. Ils avaient fait le choix de la raison. Cela parce qu’ils ne voyaient pas comment il aurait pu en être autrement, ou pour ne pas trahir les projections et les rêves de leurs parents qui, pour certains, avaient fait des efforts financiers considérables pour leur permettre de se trouver là, ou encore par loyauté à leur culture sociale et aux schémas familiaux. Leur route était tracée depuis longtemps. Ils l’avaient accepté, même s’ils savaient que cela ne les rendrait pas heureux. Ils avaient fait un choix triste, ils le savaient, ils l’écrivaient. En conscience, avec une grande lucidité pour beaucoup d’entre eux, ils avaient renoncé à leurs rêves. C’étaient difficile soulignaient certains, mais c’était ainsi. Devions-nous nous inquiéter, demandait une étudiante, de cette forme de cynisme et de dépression grandissante qu’elle exprimait ? Non, répondait-elle elle-même. Elle assumait, car la vie est ainsi. Elle nous rassurait, nous qui étions totalement bouleversés par ces récits de vie que nous découvrions, conscients qu’au moment même où nous les lisions, il y avait quelque part, non loin de nous, des étudiantes et des étudiants qui avaient fait le choix de renoncer à leurs rêves et qui avaient accepté de plonger dans l’océan normalisé de la compétition acharnée, puisque tel était le modèle proposé.

Je n’ai pu m’empêcher d’avoir une vision à la lecture de ces copies, celle d’êtres humains, tout jeunes adultes, presque encore adolescents, qui repliaient progressivement et volontairement leurs ailes de lumière, renonçant par là-même en leur envol, pour venir s’enfermer, pas à pas et disciplinés, dans les tunnels et les couloirs sombres d’une future vie professionnelle totalement formatée. L’université apparaissait comme le sas exigeant qui les préparaient à cet avenir fermé.

Bien sûr, et heureusement, il y a des étudiants heureux.

C’est parce que je crois profondément qu’il nous appartient de nous donner l’autorisation de déployer nos ailes que j’aurai un très grand plaisir à co-animer avec Stéphanie Honoré et une équipe du Forum104 une journée sur le thème « Spiritualité et société » le 17 novembre, au Forum 104.
Information et inscription

Publié par Laurence Baranski

Changement Transformation Métamorphose